Cette balade a été proposée pour la première fois, lors des Journées européennes du patrimoine de 2003. Le départ et le retour de la balade se font à la Grange des Capucins.
Vous voici devant la Grange des capucins.
Cette balade invite à un cheminement à travers les coteaux du Haut-Meylan le long des sentiers qu'emprunta le grand compositeur.
Ces paysages furent le cadre d'une histoire d'amour qui s'étend sur presque un demi-siècle. Elle commence en 1815. Berlioz, 12 ans, en vacances chez son grand-père au Clos de la Ville, tombe amoureux de sa voisine de 18 ans, l'éblouissante Estelle.
L'histoire se poursuit bien plus tard. A plusieurs reprises, il reviendra en ces mêmes lieux revivre les souvenirs de cet amour d'enfance, souvenirs qu'il a exprimés avec tant de fougue et de génie dans ses compositions musicales et ses Mémoires, rédigées à partir de 1848. Et ce sont ces Mémoires qui vont guider le promeneur sur les pas de Berlioz.
Les vues photographiques qui étaient exposées ne sont actuellement plus visibles in situ. Se rapprocher des Archives municipales pour consulter les photos d'époque.
Les paysages qu'Hector Berlioz découvrait, lors de ses séjours à Meylan, étaient sensiblement différents de ceux d'aujourd'hui ! Vignobles et vergers ont disparu sur les coteaux, l'habitat a envahi les espaces agricoles, les chemins sont devenus des routes...
Mais à côté des lotissements récents, les hameaux gardent leurs caractères, les murs limitent encore certaines propriétés et les routes ont gardé, en général, le tracé ancien. Bassins et croix sont les témoins des scènes de la vie d'autrefois et le Saint-Eynard, au pied duquel naissent sources et torrents, domine toujours cet environnement...
Berlioz n'a pas pu rencontrer les moines durant sa jeunesse...
Sans doute a-t-il longé les murs de ce vaste domaine nobiliaire entouré de cultures, de prés, de vignobles. En 1855, le domaine fut acheté par les Capucins de Savoie pour en faire un couvent et l'ensemble fut remanié. En 1864, lors de son dernier passage à Meylan, Berlioz a pu voir la chapelle édifiée sur le parvis, les deux ailes construites dans le prolongement du bâtiment principal autour de la cour. Il a pu apercevoir des moines méditant sur les premières tombes du petit cimetière ou bêchant la terre du potager qui remplaçait peu à peu les jardins à la française. Le Clos prenait alors son allure actuelle.
Les Capucins ont quitté définitivement le Clos en 1972.
La commune l'a acheté en 1975, mettant à la disposition des Meylanais un de ses plus beaux ensembles patrimoniaux.
Ce domaine, dont l'entrée se trouve chemin des Villauds, témoigne de ces grandes propriétés meylanaises de notables qui jouxtaient les hameaux où vivaient petits fermiers et journaliers.
La maison, le "Prieuré", du XVIIe siècle, remaniée au XVIIIe siècle, se trouve derrière les communs et la chapelle que l'on aperçoit d'ici.
C'est là qu'au début du XIXe siècle, vécut Dubois Aymé qui fit la campagne d'Egypte de 1798 à 1801 avec Bonaparte. De ses recherches dans le delta du Nil, il rapporta des objets et des momies dont il fit un musée.
Un lotissement occupe aujourd'hui les anciens prés.
"Mon grand-père maternel, Nicolas Marmion, vivait à Meylan, campagne à 2 lieues de Grenoble, du côté de la frontière de Savoie... Ce village et les hameaux qui l'entourent, la vallée de l'Isère qui se déroule à leurs pieds et les montagnes du Dauphiné, forment un des plus romantiques séjours que j'aie jamais admirés.
Ma mère, mes sœurs et moi, nous allions ordinairement chaque année, y passer 3 semaines vers la fin de l'été."
Le grand-père de Berlioz possédait là une belle propriété de 4 ha, entourée de murs, comprenant une maison d'habitation toujours existante, un jardin, des communs, un verger et des vignes : le "Clos de la Ville". En 1848, quand, après la mort de son père, Berlioz voulut retrouver les lieux et émotions de sa jeunesse, il franchit pour la dernière fois cette belle porte en bois, avec nostalgie :
"Arrivé devant la porte de la maison de mon grand-père vendue depuis peu, j'entre et n'y trouve personne... Je m'introduis alors dans le salon où se groupait autrefois la famille. Il était toujours dans le même état... Voici le siège où dormait mon grand-père après midi, voilà son jeu de trictrac...Ici je vis valser mon oncle avec la belle Estelle..."
Nicolas Marmion, grand-père maternel d'Hector Berlioz, né à Grenoble en 1751, décédé et inhumé à Meylan en 1837, était avocat au Parlement de Grenoble.
Il représenta le Tiers Etat de Meylan à l'assemblée des 3 ordres (clergé, noblesse, tiers état) à Montbonnot en 1788. Il fit fonction de maire de Meylan de 1813 à 1815, puis conseiller municipal de 1816 à 1834.
Il a eu 6 enfants dont 2 ont survécu :
- sa fille Antoinette, qui épousa le Docteur Berlioz en 1802, en l'église Saint-Victor. Ils eurent quatre enfants : Hector, Nanci, Adèle et Prosper.
- Son fils Félix, qui fut colonel dans l'armée Napoléonienne. C'est lui qui fit valser Estelle.
Les fontaines étaient un élément indispensable de la vie rurale avant l'arrivée de l'eau courante dans les maisons (dans les années 1930). Elles servaient aux activités agricoles (abreuvoirs, arrosage, routoirs...) et domestiques.
Les sources du Saint-Eynard alimentaient une vingtaine de fontaines, installées par les municipalités, au cours du XIXe siècle, sur les demandes pressantes des habitants. Ce bassin, construit en 1868, est alimenté par une source au fort débit qui ne tarit jamais.
Autrefois lieux de vie et de rencontres, les fontaines et bassins sont devenus des lieux de mémoire et des éléments forts de l'environnement.
On emprunte ensuite le Chemin des Buisses : tout au long à gauche, s'étendait le clos Marmion, aujourd'hui morcelé et loti.
Derrière ce mur se trouvaient les jardins du Clos Marmion, et au-delà les champs, les vergers aujourd'hui lotis. La maison que l'on aperçoit était celle du fermier.
Revenu au Clos en 1848 et quittant la maison vide, Berlioz écrit :
"Je me hâte de sortir...Je cherche un banc sur lequel, le soir, mon père restait des heures entières perdu dans ses rêveries, les yeux fixés sur le Saint-Eynard. Le banc a été brisé, il n'en reste plus que deux pieds vermoulus... Là était le champ de maïs où j'allais à l'époque de mon premier chagrin d'amour, dérober ma tristesse"... Et ailleurs : "Je me cachais le jour dans les champs de maïs, dans les réduits secrets du verger de mon grand-père, comme un oiseau blessé."
En flânant sur ce chemin sinueux des Buisses, on retrouve l'habitat et l'atmosphère de ces hameaux d'autrefois, avec leurs propriétés entourées de murs et leurs maisons paysannes.
Ce petit chemin piétonnier qui nous amène à la prochaine étape, le château de Rochebelle, est récent, mais semblable à ceux de l'époque de Berlioz, en pleine pente, qui reliaient les coteaux habités aux champs de la plaine. Il traverse un espace qui appartenait tout entier au château. Sur cet emplacement, des fouilles (comblées aujourd'hui) ont révélé la présence de sépultures mérovingiennes.
Nicolas Marmion, grand-père de Berlioz, mort en 1837, repose dans le cimetière, à l'ombre de l'église Saint-Victor.
Le plan, aux entrées du cimetière, indique l'emplacement de sa tombe.
Voir aussi le lien vers la plateforme en ligne dédiée aux cimetières de Meylan
Onglet patrimoine > Personnalités > n°7 - Nicolas Marmion
Remarquez la croix au croisement de deux voies importantes : le chemin de l'église, qui va de l'ancienne Mairie à Saint-Victor, et le chemin de Rochasson qui, au XIXe siècle, a permis de relier les parties basses de Meylan à la route de Chartreuse.
Le château, vaste propriété, a appartenu pendant plusieurs générations à la famille de Rochebelle, alliée à de nombreuses autres familles nobiliaires de la région.
Le bâtiment central remonte, comme d'autres châteaux sur les coteaux voisins, aux XVIIe - XVIIIe siècles. Les tourelles ont été ajoutées au XIXe siècle où l'aspect médiéval était fort en vogue.
En achevant le tour du "Clos de la Ville" que l'on voit à gauche, on peut apprécier l'étendue du domaine du grand-père de Berlioz, occupé aujourd'hui par plusieurs maisons particulières. On a une vue sur Murianette, au-delà de l'Isère, où habitait l'oncle du compositeur, Auguste-Aventin Berlioz.
A droite, lors de la construction des maisons, on a retrouvé des monnaies romaines. Le parcours, en effet, se déroule sur l'emplacement d'une villa gallo-romaine. Le hameau des Villauds vers lequel le circuit continue tire aussi son nom de cette "villa".
"Un matin, j'étais assis dans une prairie à la Côte-Saint-André. La procession des Rogations passait dans le voisinage et j'entendais la voix des paysans qui psalmodiait les litanies des Saints. Cet usage de parcourir au printemps les coteaux et les plaines pour appeler sur les fruits de la terre la bénédiction du Ciel a quelque chose de poétique et de touchant qui m'émeut".
Les croix avaient une place importante dans la vie quotidienne autrefois : elles jalonnaient les parcours des processions, au moment des fêtes religieuses. On chantait pour demander à Dieu de bonnes récoltes, sa protection contre la peste ou la guerre. Edifiées aux carrefours, elles servaient aussi de repères. Sur la croix actuelle, fixée sur la base de l'ancienne, on distingue la Vierge et la représentation stylisée des 4 Evangélistes.
Une croix moderne marque l'arrivée sur le chemin des Villauds. En face, s'étendait au XIXe siècle, un beau "Clos" comprenant maison bourgeoise, ferme, grange, chapelle, gloriette. Bassins et fontaines agrémentaient le parc dominé par les séquoias, les cèdres, les magnolias, espèces exotiques en vogue au XIXe siècle.
En 1902, il devint la propriété de Pierre-Louis Stouff, professeur d'Histoire ancienne et médiévale à l'Université de Dijon et réputé pour ses recherches. En 1944, y fut aménagée une maison médicale, l' "Aérium", pour des enfants affaiblis par la guerre, qui a fermé en 1978. Après 1980, le clos a été morcelé et vendu. Seules la maison et une partie du parc ont été sauvées. Le hameau des Villauds a gardé bien de ses maisons anciennes et le chemin des Villauds son tracé direct, bien raide ! Du temps de Berlioz, on était, ici, au milieu des vignes.
Suivons-le en 1848, en pèlerinage vers la maison de ses amours de jeunesse.
"Je gravis les chemins rocailleux et déserts, me dirigeant vers la blanche maison... Je crois reconnaître à gauche une allée d'arbres, mais cette allée aboutit à une ferme inconnue... Je me perds dans les vignobles... Il y avait jadis une petite fontaine que je n'ai pas rencontrée. Je me décide à demander mon chemin dans une ferme où des gens battent le fléau... Une femme se souvient : "Je me rappelle Mam'zelle Estelle si jolie que tout le monde s'arrêtait à la porte de l'église, le dimanche, pour la voir passer ! La maison a été vendue ; c'est là-haut. Il vous faut suivre le chemin de la fontaine, ici, derrière notre vigne, et puis tourner à gauche". Je me retrouve enfin sur la bonne voie. Bientôt j'entends murmurer la petite fontaine."
Elle coule toujours...
Sa source prend naissance au pied du Saint-Eynard, sur la route du Sappey. Grâce à elle, tout le hameau des Villauds et le domaine des Capucins bénéficiaient d'une eau abondante. Elle alimente encore la fontaine et les bassins des Capucins.
"J'y suis, voilà le sentier, l'allée d'arbres..."
Le but du pèlerinage, la maison de celle qui fut l'amour de toute la vie du compositeur romantique, n'est pas loin. Le chemin du Bruchet (qui signifie "bruyère") mène à cette maison très ancienne qui, du temps de Berlioz, était entourée de vignes et qui l'est de nouveau, grâce aux efforts des propriétaires actuels. M. et Mme Ferguson ont fait leur première récolte en 2001 et leur première vente en 2002.
Sur le chemin autrefois, il y avait un banc où, dit-on, Berlioz venait rêver à sa belle... Le banc a été supprimé récemment... les vignes s'étendent encore.
"Dans la partie haute de Meylan, tout contre l'escarpement de la montagne, est une maisonnette blanche, entourée de vignes et de jardins, d'où la vue plonge sur la vallée de l'Isère. Derrière sont quelques collines rocailleuses, une vieille tour en ruines ; une retraite enfin, évidemment prédestinée à être le théâtre d'un roman. C'était la villa de Madame Gautier. Elle l'habitait pendant la belle saison avec ses deux petites-filles dont la plus jeune s'appelait Estelle ... Elle avait dix-huit ans, une taille élégante et élevée, de grands yeux... toujours souriants, une chevelure digne d'orner le casque d'Achille, des pieds... de parisienne pur sang, et des brodequins roses !... En l'apercevant, je sentis une secousse électrique ; je l'aimai, c'est tout dire... Je n'espérais rien... Mais j'éprouvais au cœur une douleur profonde."
Hélas !
"Tout le monde s'amusait de ce pauvre enfant de douze ans, brisé par un amour au dessus de ses forces.
Elle-même qui, la première, avait tout deviné, s'en est fort divertie, j'en suis sûr."
Pourtant, bien que la vie les ait séparés, Berlioz resta attaché à cet amour avec passion !
Trois fois il revint à Meylan sur la trace d'Estelle, en 1832, en 1848 et encore en 1864 : "Non, le temps n'y peut rien... D'autres amours n'effacent pas la trace du premier".
Estelle Dubeuf est née à Grenoble en 1797 d'une famille d'ancienne noblesse dauphinoise. Chaque été elle vient, avec ses sœurs, en vacances chez ses grands-parents à Meylan, mais Berlioz ne l'a rencontrée qu'en 1815. En 1828, à 31 ans, elle épouse Casimir Fornier, un juriste assez fortuné dont elle a 6 enfants. Veuve dès 1845, elle s'installe chez ses fils, à Lyon, puis Genève, enfin à Saint-Symphorien-d'Ozon où elle meurt en 1876. Après 1815, si Berlioz garde au cœur cet amour de jeunesse, Estelle, pour sa part, y reste étrangère. Elle ne consent à rencontrer ce bouillant amoureux qu'à partir de 1864 !
1848, Berlioz revient ici sur les traces d'Estelle...
"Je sens que c'est là... Il faut parvenir à une vieille tour qui s'élevait autrefois en haut de la colline et d'où je pourrai tout embrasser d'un seul coup d'œil... Voilà la tour, elle est démolie en partie... Là, Estelle a dû venir... Je me retourne et mon regard saisit le tableau tout entier : la maison sacrée, le jardin, les arbres, et, plus bas, dans la vallée, l'Isère qui serpente ; au loin, les Alpes, la neige, les glaciers, tout ce qu'elle a admiré !...
Oui, je vois, je revois, j'adore ! Le passé m'est présent, je suis jeune, j'ai douze ans !...
Je me jette à genoux et je crie à la vallée, aux monts et au ciel : Estelle, Estelle !...
Adieu, monts et vallée ! Adieu, vieille tour !...
Adieu, vieux Saint-Eynard ! Adieu ciel de mon étoile !... Le flot du Temps m'entraîne. Adieu, Stella !
Et triste comme un spectre qui rentre dans sa tombe, je descendis la montagne..."
Berlioz est revenu ici encore une fois, en 1864. Il en a rapporté un éclat de rocher, une écorce de cerisier, quelques fleurs... qu'il joindra à ses lettres à Estelle. Car le lendemain enfin, il décide de lui rendre visite à Lyon. Ils sont veufs tous les deux. Estelle a 67 ans... et lui 61. Elle consent alors à une correspondance. En 1865, il lui propose même le mariage... qu'elle refuse tout net.
Ce n'est qu'en 1869 que cette passion de jeunesse s'est éteinte, avec la mort.
La belle histoire de Berlioz et d'Estelle est terminée !
Pour revenir à la Grange des Capucins, deux possibilités :