Ce lundi 11 novembre 2024, les autorités civiles et militaires, entourées par les jeunes élus du CMEJ, des représentants d'associations d'anciens combattants, des musiciens de l'EMGB et de nombreux habitants, s'étaient donné rendez-vous au Monument aux morts pour honorer la mémoire de celles et ceux qui ont combattu, souffert voire donné leur vie pour la Nation.
Sylvie Charlety, conseillère municipale en charge de la mémoire, de l'histoire et du patrimoine et de l'égalité femme/homme a endossé le rôle de maitresse de cérémonie.
Après le traditionnel cérémonial de la levée des couleurs, elle a invité les jeunes élus du CMEJ à prendre la parole pour lire la lettre de Jean Déléage, inspecteur de l’école primaire appelé sous les drapeaux au mois de novembre 1914.
Depuis le front, Jean Déléage envoie de nombreuses lettres à sa famille et, en retour, reçoit de leurs nouvelles. Ces lettres portent en elles toutes les souffrances que la guerre fait endurer aux soldats et nous donnent également une idée des préoccupations quotidiennes de ceux qui sont à l'arrière. Cette lettre que nous allons vous lire, évoque les conditions de vie des soldats , leur état moral, le champ de bataille et les armes.
Mercredi 29 septembre 1915
Ma chère Louisette,
Je t'ai promis, presque solennellement, de te dire la vérité ; je vais m'exécuter, mais en revanche tu m'as donné l'assurance que tu aurais les nerfs solides et le coeur ferme.
Je suis depuis ce matin dans des tranchées conquises depuis 2 jours, l'ensemble de ces tranchées et boyaux forme un véritable "labyrinthe", où j'ai erré 3 heures cette nuit, absolument perdu. Les traces de la lutte ardente y sont nombreuses et saisissantes ; et d'abord elles sont plus qu'à moitié détruites par l'ouragan de mitraille que notre artillerie y a lancé, aussi sont-elles incommodes et horriblement sales malgré les réparations urgentes que nous y avons faites ; tout y manque : l'eau (propre ou sale), les boyaux, les latrines ; elles sont à moins de 200 mètres de la 1ère ligne ennemie, avec laquelle elles communiquent par des boyaux obturés ; elles sont parsemées de cadavres français et allemands ; sans presque me déranger j'en compte bien 20 figés dans les attitudes les plus macabres. Ce voisinage n'est pas encore nauséabond, mais il fait tout de même mal aux yeux ; ce matin, à 5 heures, nous arrivons mouillés et harassés, et j'entre dans le premier abri venu pour me détendre, j'avise une bonne planche, m'y étends, la trouve moelleuse, mais 5 minutes après je m'aperçois qu'elle fait sommier sur 2 cadavres allemands ; et bien, crois-moi, ça fait tout de même quelque chose, au moins la 1ère fois. On marmite fort tout autour de nous et vraiment c'est parfois un vacarme ; déjà je ne salue presque plus.
Le mal n'est pas là ; il est surtout dans le temps qui est affreux ; depuis 3 jours au moins, les rafales de pluie succèdent aux averses ; les boyaux sont des fondrières inommables, où l'on glisse, où l'on se crotte affreusement ; aussi suis-je sâle au superlatif, au moins jusqu'à la ceinture ; mes mains sont boueuses et les resteront jusqu'au départ ; mes souliers sont pleins d'eau ; heureusement le corps est sec, car l'air est presque froid et le ciel livide. Autour de moi les gens font une tête ! Il nous faudra beaucoup de patience et de moral.
Nous sommes coiffés du nouveau casque en tôle d'acier ; c'est lourd et incommode, mais cela donne une sérieuse protection contre les éclats de fusants et contre les ricochets, aussi le porte-t-on sans maugréer. Nous avons aussi tout un attirail contre les gaz asphyxiants. Mais nous serons mal ravitaillés : un seul repas, de nuit, qui arrivera froid le plus souvent ; et cela s'explique à la fois par la longueur des boyaux et par la difficulté de parcourir une large zone découverte.
A ce tableau un peu sombre mais véridique il convient d'ajouter deux correctifs ; d'abord nous aurons un rôle défensif, nous sommes chargés de mettre en état le secteur très bouleversé ; ensuite les Allemands contre-attaquent peu, par suite du manque d'effectifs et de l'état de leurs affaires en Champagne. Pour ces 2 raisons, il se pourrait très bien que nous n'ayons pas à les regarder dans les yeux ; c'est d'ailleurs le voeu unanime ici.
Ma lettre va t'arriver en pleine période de réinstallation et de soucis ; j'essayerai d'en prendre ma part de loin ; cela me distraira et me fondra un peu plus avec vous. Je te souhaite du calme et du courage pour triompher de ces petites difficultés.
Tu sais combien je t'aime et quels tendres baisers je t'envoie, partage avec nos chers petits.
Jean Déléage
Sylvie Charlety a ensuite repris la parole.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour commémorer le 11 novembre, une date qui marque non seulement la fin du premier conflit mondial, mais aussi le début d’une quête inlassable pour la paix.
En ce jour, nous honorons la mémoire de ceux qui ont combattu, souffert et, pour certains, donné leur vie sur le front. Ils ont porté le poids des armes et des souffrances, espérant qu’un jour, les canons se taisent et que la voix de la raison l’emporte sur le bruit des combats.
Dans le film de Bertrand Tavernier "La vie et rien d’autre" qui parle de la guerre de 14-18, le héros raconte que si on faisait défiler sous l’Arc de Triomphe tous les morts français, à savoir 1 million 300 000, le défilé durerait 7 semaines soit un mois et demi…
Cette image effrayante témoigne de toute l’horreur de ces sacrifices qui ne doit jamais être oublié, mais il nous impose également la responsabilité de bâtir un monde où l’on ne devrait plus avoir recours à la violence pour résoudre nos différends.
La paix ne se réduit pas seulement à l’absence de guerre. C’est un état d’esprit, un engagement à vivre en harmonie, à accueillir nos différences et à travailler ensemble pour un avenir meilleur. Elle commence dans nos coeurs, dans nos familles, au sein de nos communautés. Chaque geste de solidarité, chaque acte de compréhension, chaque mot de soutien contribuent à tisser le fil fragile de la paix.
En ce 11 novembre, en mémoire de ceux qui ont combattu pour la liberté, engageons-nous à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour promouvoir la paix. Ensemble, faisons résonner le message de la paix, non seulement aujourd’hui, mais chaque jour, dans nos pensées, nos actions et nos interactions.
Monsieur le Maire a poursuivi avec la lecture de l’allocution officielle de Monsieur Sébastien LECORNU, ministre des Armées et des anciens combattants, et de Monsieur Jean-Louis THIERIOT, ministre délégué auprès du ministre des Armées et des Anciens combattants.
C’était il y a 106 ans, en 1918. À la 11ème heure du 11ème jour du 11ème mois, de la boue des Flandres à la frontière suisse, les clairons égrènent les notes du "cessez-le-feu". Aux fiertés de la victoire se mêle le cortège d’ombres des "péris en terre", accompagné de ceux qui les pleurent. Ce sont ces sacrifices que nous commémorons aujourd’hui, auxquels sont agrégés depuis 2012 celui de tous les "morts pour la France".
Honorer leur mémoire, c’est écouter ce qu’ils nous disent encore aujourd’hui.
Ils nous laissent un devoir de gratitude, de lucidité et d’espérance.
Le devoir de gratitude, c’est tout simplement se souvenir du sacrifice de ces jeunes hommes, habités des promesses de la vie, qui ont consenti à tout donner pour que la France demeure. Les épreuves qu’ils ont traversées sont inimaginables.
Pour nous en imprégner, laissons la parole à un témoin, le général de Castelnau. Leur vie, c’était "marcher, marcher encore, marcher quand même à demi-mort de fatigue, trempé jusqu’aux os, transi de froid ou bien épuisé de chaleur et de soif dans l’air embrasé d’une journée torride (…). Gravir la pente du terrain sous le lourd fardeau du sac, charger baïonnette au canon dans le sifflement des balles, le crépitement des mitrailleuses et le mugissement des obus. Combattre le jour, combattre la nuit, veiller toujours ; mourir obscurément dans le sillon d’un labour".
Le devoir de lucidité, c’est de ne pas oublier que 21 ans après que les canons se fussent tus, il a fallu reprendre les armes en 1939. La conjonction de la lâcheté et de l’aveuglement ont transformé la "der des der" en "armistice de vingt ans" pour reprendre les mots du maréchal Foch. À l’heure où la tragédie de la guerre a fait son grand retour en Europe, à l’heure où certaines puissances remettent en cause tous les fondements de l’ordre et du droit international, ceux de 14 et ceux de toutes les guerres nous murmurent de continuer à défendre la paix.
Le devoir d’espérance, c’est de ne jamais douter des ressources de la France pour venir à bout des défis qui se présentent à elle. La guerre change de visage, mais de génération en génération, les soldats de France demeurent animés de la même volonté de défendre l’honneur et la patrie.
En cette année du 80ème anniversaire de la Libération, souvenons-nous des soldats du commando Kieffer qui ont foulé les plages de Normandie le 6 juin 1944 ; souvenons-nous des soldats de la 1ère armée de Lattre qui ont débarqué en Provence ; de ceux de la 2ème division blindée du général Leclerc qui depuis le désert, à Kouffra, sont remontés jusqu’à Strasbourg pour la libérer et accomplir leur serment ; souvenons-nous des héros de la résistance intérieure, mais aussi du calvaire des incorporés de force d’Alsace-Moselle, souvenons-nous du courage des parachutistes de Dien Bien Phu, de celui des soldats qui se battent en opération extérieure et notamment ceux du Liban qui y défendent la paix depuis 1978 : comment ne pas voir que ces combattants ressemblent comme des frères aux Poilus de 1914 ?
Au fil de notre histoire, les soldats morts pour la France, ceux tombés pour le service de la Nation, ou pour le service de la République nous disent les pérennités françaises. Toujours, nos armées sont là pour accomplir la mission.
C’est pourquoi, réunis au pied du monument aux morts, élus, anciens combattants de toutes les générations du feu, enfants des écoles, nous ne sommes pas seulement la garde des morts, nous sommes d’abord les sentinelles des vivants.
Vive la République !
Et vive la France !
Après les discours, trois gerbes ont été déposées au pied du Monument, puis Thierry FERET et Michel CURIAL ont procédé à l'appel des combattants morts pour la France.
1870
Antoine BOUVIER, mort pour la France
François DUC, mort pour la France
Joseph MURE, mort pour la France
Sébastien PETOLETY, mort pour la France
Urbain RIBOT, mort pour la France
Première guerre mondiale
Robert COLAS DES FRANCS, mort pour la France
Eugène COTTAVE, mort pour la France
Emile DUCHAMP, mort pour la France
Paul FAURE, mort pour la France
Joseph GRAS, mort pour la France
Julien JUILLET, mort pour la France
Joseph LIAUD, mort pour la France
René Rocco LONGO, mort pour la France
Edouard MARROU, mort pour la France
Joseph MARS, mort pour la France
Marius MENUEL, mort pour la France
Joseph MOREL, mort pour la France
Jacques NUSSBAUM, mort pour la France
Pierre PASCAL, mort pour la France
Charles QUAIX, mort pour la France
Henry REVOLLAT, mort pour la France
Marius REY, mort pour la France
Paul REY, mort pour la France
Léon SIMIAND, mort pour la France
Seconde guerre mondiale
Eugène BOUCHET, mort pour la France
Charles BOYER DE BOUILLANE, mort pour la France
Adrien DHERBEY, mort pour la France
Pierre Robert DROGAT, mort pour la France
Robert FUGIER, mort pour la France
Henri Camille GARDET, mort pour la France
Jean Paul HUSZAR, mort pour la France
Léon JAIL, mort pour la France
Louis JUSTER, mort pour la France
Edouard LE MASSON, mort pour la France
Joannès LETY, mort pour la France
Georges PINGUET, mort pour la France
Claude RENARD, mort pour la France
Marius THENOT, mort pour la France
Guerre d’Indochine
Henri NOGARETTO, mort pour la France
Raymond ROUBERT, mort pour la France
Guerre d’Algérie
Georges BARON, mort pour la France
Enfin après un dernier salut aux portes drapeaux, un verre de l'amitié a été servi pour clore la cérémonie.
publié le 12/11/2024